L’industrie européenne veut être reconnue
Parmi les sujets majeurs de la Fefac figurent la biosécurité et la durabilité sur fond d’incertitude géopolitique. Les fabricants européens veulent dans tous les cas être mieux reconnus pour leurs actions.
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Malgré les incertitudes géopolitiques (Brexit, tensions États-Unis-Chine, négociations de traités internationaux…), l’industrie de l’alimentation animale européenne a vu ses tonnages augmenter légèrement de 1,8 % en 2018, à 163,3 Mt, selon les dernières statistiques officielles de la Fefac, la Fédération européenne des fabricants d’aliments composés. Ils devraient légèrement se replier en 2019 à − 0,9 %, selon les premières estimations. Le marché des bovins, en progrès depuis l’ouverture des quotas laitiers il y a trois ans, devrait en effet se contracter d’environ 2 % sous l’effet conjoint d’une récolte correcte de fourrages et de contraintes croissantes sur les rejets de phosphore dans certains pays de l’UE. Le porc devrait aussi être en retrait de 0,5 % et la situation pourrait s’aggraver en raison des baisses déjà de plus de 10 % en Bulgarie et en Roumanie, touchées par la fièvre porcine africaine. Enfin, la volaille pourrait progresser un peu pour accompagner la hausse de la consommation. Les volailles y sont en tout cas bien installées en tête depuis 2010, avec désormais près de 56 Mt (34,2 % des volumes). Les porcs, assez stables depuis une dizaine d’années, conservent leur seconde position avec 51 Mt (31,3 %), devant les bovins à 46,7 Mt (28,6 %). Sans oublier les aliments d’allaitement (0,7 %) et les autres espèces (5,2 %).
Le trio de tête reste l’Allemagne (23,8 Mt), talonnée de plus en plus près par l’Espagne (23,7 Mt), la France stagnant à un peu plus de 20 Mt. Un deuxième groupe de trois pays – Royaume-Uni (16,8 Mt), Pays-Bas (14,8 Mt), Italie (14 Mt) – suit, mais la plus forte progression est assurée par le 7e, la Pologne, qui affiche encore une hausse de 5 %. Aux frontières de l’UE se trouvent deux gros acteurs : la Turquie (24,1 Mt) et la Russie (39,2 Mt). L’Union européenne représente environ 15 % de la production mondiale d’aliments industriels pour animaux, derrière la Chine (188 Mt), l’ensemble des autres pays d’Asie (185 Mt) et les États-Unis (177 Mt).
Le Reflet des produits animaux
L’industrie de l’alimentation animale reflète au moins partiellement les évolutions des produits animaux. Ainsi, la production de volailles a progressé de 4,7 % dans l’UE en 2018 et la fabrication d’aliments pour volailles de 1,7 %. Idem pour le porc : + 2 % en production de viande, avec une production d’aliments stable. Deux facteurs expliquent cette variation : l’efficacité des aliments et le recours aux matières premières.
Au total, les produits animaux représentent, pour l’UE à 28, environ 175 Mds€, soit 40 % de la production agricole totale, sachant que l’alimentation est le premier facteur de production en valeur, pesant jusqu’à 60 % des coûts de production en volailles, par exemple. L’alimentation animale industrielle pèse pour 20 % dans les quelque 833 Mt d’aliments nourrissant les animaux d’élevage, 15 % étant des grains produits sur l’exploitation, 5 % des matières premières achetées en direct. Le reste (environ 60 %) est constitué des fourrages, récoltés ou pâturés.
Les tensions géopolitiques ont une influence concrète sur les usages des matières premières. C’est particulièrement net depuis que la Chine et les États-Unis s’affrontent sur le terrain commercial, la première drainant le soja d’Amérique du Sud alors que l’UE n’a jamais autant importé de soja des États-Unis. Les céréales restent la première ressource (50 %), suivies par les tourteaux (25 %). Les coproduits représentent 12 % des approvisionnements des usines européennes. Viennent ensuite les minéraux, additifs et vitamines (3 %), les graisses et huiles (2 %), les protéagineux (2 %). Puis tous les autres : fourrages déshydratés, produits laitiers, etc.
Coproduits : utilisation historique
Le 20 mai 2019, la Commission européenne a publié son document de référence sur le déficit protéique de l’UE. Sur la suggestion de la Fefac, elle a inclus pour la première fois ces fourrages qui assurent en effet la couverture de 45 % des besoins protéiques des élevages, toutes espèces confondues. L’UE est donc ainsi passée à un taux d’autosuffisance de 80 % avec une catégorisation, également proposée par la Fefac, selon les apports de protéines des matières premières : low-pro : 0-15 %, mid-pro : 15-30 %, high-pro : 30-50 % et super-pro > 50 %. L’UE n’est en fait déficitaire que sur le segment des high-pro, besoins comblés principalement par les importations de soja. D’autres publications de la Commission alimentent le débat : une première en novembre 2018 sur les développements des plantes riches en protéines dans l’UE, et une seconde en mars 2019 sur les marchés et l’évaluation des différentes sources de protéines.
En juin 2019, la Fefac a également édité son propre rapport sur « les coproduits, une part essentielle de la nutrition animale ». La question n’était pas tant de donner des valeurs chiffrées de tonnages que d’affirmer le rôle ancien, et souvent inconnu, de la nutrition d’animaux d’élevage dans l’économie circulaire, et de la placer, par exemple, avant la méthanisation dans la hiérarchie des valorisations. La concurrence sur certains gisements peut en effet être sévère selon la culture du pays (cf. les cultures énergétiques allemandes) et les conditions locales (contrats, prix, volumes). Or, comme l’indiquait Nick Major, président de la Fefac, lors de la publication du document, le 3 juin dernier : « Un des points forts de l’industrie européenne de la nutrition animale est sa capacité et sa connaissance pour convertir de façon sûre les coproduits en aliments pour animaux. Il devrait donc y avoir une réelle prise de conscience du fait que ces coproduits de la production d’aliments, de boissons et de la production de biocarburants, jouent un rôle crucial dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, ce qui doit à son tour réduire de façon significative l’empreinte environnementale de l’industrie de la nutrition animale et des productions animales. »
L’environnement, question de poids
Les fabricants d’aliments pour animaux veulent être aussi mieux reconnus pour leurs actions en matière d’environnement : cet aspect de l’économie « circulaire », la question de la formulation « efficiente » pour réduire les rejets des animaux, etc. La mesure de l’empreinte environnementale est un sujet clé ; ce qui motive depuis plusieurs années les professionnels, au sein de l’association européenne, à produire un outil à la disposition des formulateurs pour choisir des matières premières les moins émettrices possible. C’est tout l’intérêt de la base de données GF-LCA (Global Feed – Low Carbon) lancée en septembre dernier. Elle comporte les valeurs pour les principales matières premières, importées et produites dans l’UE, valeurs issues de l’application d’un outil dédié à l’alimentation animale, le GFLI feedprint tool, reconnu par la FAO. Créé le 27 septembre, le Global Feed LCA Institute (GFLI), désormais en charge du suivi de la base de données, est une organisation à but non lucratif lancée le 19 septembre 2019 dans les locaux de l’association des fabricants d’aliments des États-Unis (ACIA) et présidée par Greg Downing, responsable du développement durable chez Cargill. Pour lui, « les distributeurs et les consommateurs s’intéressent de plus en plus à l’impact environnemental des aliments qu’ils achètent et s’attendent à une transparence croissante sur l’empreinte environnementale des produits agricoles. Mais le besoin de données précises sur les émissions de la nutrition animale n’est pas uniquement lié à cette demande des consommateurs. Ainsi, en Europe, les agriculteurs doivent fournir l’empreinte carbone de leurs produits. » Les membres fondateurs (ACIA, Fefac, association canadienne Anac, Ifif et Norwegian Seafood Federation) sont tous représentés au bureau de la nouvelle entité. Elle sera contrôlée par une tierce partie européenne indépendante, Agribusiness Service, et devrait être pleinement opérationnelle début 2020. Elle pourrait dans le courant de l’année prochaine, développer un guide pour les utilisateurs potentiels de l’outil afin qu’il soit largement adopté.
Répondre aux peurs sanitaires
Les barrières sanitaires peuvent peser lourd et la fièvre porcine africaine (lire ci-dessous) inquiète les fabricants pour leurs clients et donc leurs tonnages. Ainsi, selon Hans Joostens, de la Commission européenne, qui intervenait lors de la convention « Feed Additives Europe » à Amsterdam, le 26 septembre dernier, certains pays sont prêts à reconnaître la régionalisation zonant les régions contaminées, prônée par la Commission, pour maintenir un commerce international des viandes même en cas de pathologie. C’est le cas du Canada, du Chili, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis. D’autres ne reconnaissent que partiellement cette régionalisation, mais un troisième groupe applique une interdiction d’importation pour tous les produits d’un pays touché comme la Chine, la Corée, le Japon, la Malaisie, le Mexique. « C’est une priorité pour la Commission, confirme Hans Joostens, et elle réalise de gros efforts vers nos différents partenaires commerciaux pour éviter les interdictions massives, tant en intensifiant sa coopération bilatérale, qu’en travaillant au niveau de l’OIE. »
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